Julienne : roman

Auteur Scholastique Mukasonga
Editeur Gallimard
Date 2024
Pages 217
Sujets Afrique subsaharienne
Roman

XXIe siècle
Cote 68.497
Recension rédigée par Guy Lavorel


Un prénom pour titre seulement… Un prénom assez connu, mais que peut-il représenter ? L’histoire d’une vie ? de quelle vie ? Avec son héroïne, Scholastique Mukasonga veut témoigner sur le Rwanda, mais plus largement écrire un roman historique, une pleine tragédie d’une destinée implacable, d’autant que Julienne entretient de page en page un espoir d’en sortir quoi qu’il arrive, par amour pour sa sœur, son seul point d’ancrage, ou par amour pour un homme, de Job à Joseph, donc aussi roman d’amour. Roman ordinaire, dira-t-on, nouvelle « éducation sentimentale » de ces deux siècles derniers, avec cette fusion de ces deux intrigues, historique et amoureuse ; mais voilà c’est au Rwanda, le théâtre d’un génocide, d’une mort au-delà des espoirs. Après le massacre, la misère et la faim, le viol, la tromperie, l’espoir d’amour, tout arrive, c’est du vrai, du vécu, implacablement. Et tout s’enchaîne dans une justesse du ton, des réactions, c’est de l’authentique, pas du plaqué ; du senti, du tragique donc mis en roman pour réunir finalement dans la mort, « unis pour toujours » deux prénoms quasi semblables : Julienne et Julien.

On apprécie dès l’entrée, avec un monologue, le destin ancré dans le malheur : « un petit être voué au malheur puisqu’il va naître au sein même du malheur. » Et alors vont s’enchaîner les événements, décrits dans leur réalité individuelle, sociale, historique, où l’on partage les détails d’une vie qu’on veut accompagner, car elle mérite d’être soutenue, comprise, avec un espoir sans cesse anéanti, mais reconduit, tant que la mort n’y met une fin. Or si le début décline le malheur, Lidia donne une issue avec du bonheur : « Lidia lisait et relisait la lettre de Julien. Oui, ils avaient été heureux.

   Elle n’irait pas sur la tombe de Julienne et Julien pour les pleurer mais pour se rappeler qu’ils se sont aimés. »

   Ainsi l’amour plus fort que la mort qui n’a plus de pouvoir, bien qu’ayant menacé chaque instant. La mort à deux, comme Roméo et Juliette. Mais pas à Vérone, non, au Rwanda. C’est à vivre, à lire…

Un beau roman écrit sans excès, dans la justesse, la profondeur, avec un style qui saisit l’attention pour chaque moment vécu et partagé entre les personnages. La romancière avait déjà ouvert une voie épanouie. Ici encore elle nous convainc et nous plaît.